Le dernier tome des
aventures de Dr Préflop à Las Vegas s'est fait attendre.
Là vache!
Un petit soucis technique à empêcher notre auteur de pouvoir finaliser comme il le désirait.
Pour vous rafraichir la mémoire, vous pouvez allez sur
la partie 7 qui lie également les chapitres précédents.
Vous pouvez également télécharger
l'intégralité de l'aventure en PDF via mon google drive. (Let me know if ca marche pour tout le monde, j'avoue que je débute sur le drive pour tous...)
Encore bravo à Dr Préflop pour ce superbe job!
(Las Vegas, vingt-quatre heures après la paire d’As)
Allongé sur un divan au bord de la piscine du Signature, le thermomètre affiche
110°F. L’air est à peine respirable, bercé par le bruit d’enfants qui chahutent dans
l’eau, je tente de trouver un sommeil qui me résiste. Natalie vient me sortir de mes
pensées :
– Tu penses encore à ton tournoi d’hier, toi ! Arrête de refaire ta partie, tu ne m’as pas
dit que ce qui comptait, c’était de prendre la bonne décision ?
– C’est ce que j’ai dit ? Je commence à en douter…
– On est pas bien ici ?
– Bien sûr que si, Chérie !
Je goûtais pour la première fois au paradoxe de Vegas.
Cette perpétuelle alternance entre euphorie et désillusion. Natalie avait raison : tout
allait pour le mieux, au bord de la piscine d’un palace, un cocktail à la main à côté de
la femme que j’aime. Mais malgré tout, disséminés dans mon esprit, des mots
revenaient sans cesse. Absolutely, Aces, Nice call… Voilà que je me mettais à penser
en anglais. C’est grave docteur ?
– Allez ! Profite du moment, tu en gagneras des tournois ! J’en suis certaine !
Et si tous mes efforts pour progresser dans ce sport ingrat étaient inutiles ?
Je me souviens alors d’une phrase qu’Edmond Rostand fit dire à Cyrano de
Bergerac : « Que dites-vous ? … C’est inutile ? … Je le sais ! Mais on ne se bat pas
dans l’espoir d’un succès ! Non ! Non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! »
Alors, il fallait que je me batte. Le poker, c’est la guerre ! Il fallait que je reprenne
mon épée, que je retrouve mon panache afin qu’un jour, à mon tour : « À la fin de
l’envoi, je touche ! »
$$$
Ce qui fut plus encore plus cinglant, c’est le roi maudit qui montra son visage
assassin dès le flop. Vous savez, cette première carte du flop qui dès l’acte 1, scène 1
semble vous dévoiler l’épilogue fatal ! Ce n’était pas du racine, mais pour moi c’était
une tragédie. Le vide, le néant, une forte douleur au niveau du plexus, une vive
décharge d’adrénaline, une sueur froide. Autour de moi les murmures, les So sick!,
me sont inaudibles. Mon regard caché derrière mes lunettes est dans le vague. Je ne
réagis pas.
Je reste planté là, amorphe, anesthésié par une douleur fantôme qui ne me quitte pas.
Il existe des antalgiques pour la douleur physique, même forte, il n’en existe aucun
pour celle-là.
Mon adversaire arborant un magnifique brelan de roi me lance un baveux « I knew I
had to call! », ce qui revenait à dire, au cours d’une partie de roulette russe, qu’il
savait qu’il fallait qu’il appuie sur la détente en ayant quatre « chances » sur cinq de
mourir.
À propos, je ne vous ai pas parlé de la règle numéro cinq ? C’est une règle très
importante en live selon moi : « Avant la river aucun mot tu ne diras. »
Dans les méandres de mon esprit endolori, je divague… À quoi bon apprendre le
poker, à quoi bon le travailler, à quoi bon le lire, à quoi bon l’aimer finalement si
c’est pour qu’il me poignarde ici, sur l’autel de Vegas ?
Les dieux du poker étaient cruels, ça y est je délirais complètement. Je troquais mon
cartésianisme pour des raisonnements obscurantistes prêtant à une quelconque entité
supérieure l’octroi d’exercer une quelconque influence sur mon destin. Si seulement
Dieu existait, j’aurais au moins un interlocuteur à blâmer.
Ace on the river est un ouvrage de Barry Greenstein. C’est aussi la carte qui vint
m’extirper de mon gouffre ! Une seconde au fond du trou, la seconde d’après au
sommet de l’Himalaya ou l'inverse, c’est aussi ça le poker ! Si seulement Dieu
existait, il aurait fallu que je lui dise merci. Avant de partir, l’homme aux rois déchus
me lance un Nice river!
– Thank you, nice flop to you too!
Mais passer de zéro à cent kilomètres heure en deux dixièmes de seconde n’est pas
bon pour le coeur. Il va falloir faire redescendre mon rythme cardiaque à un niveau
raisonnable avant de poursuivre l’aventure. Me voilà chip leader de la table et nous
ne sommes plus que six. Tout le monde repartira avec un peu plus que sa mise de
départ, le fameux éclatement de la bulle décortiqué et ressassé par tant d’ouvrages !
Il est vrai que soudainement, l’ambiance s’est détendue.
J’ai alors un peu plus de 60 000 jetons John un peu plus de 40 000, les quatre autres
joueurs se partagent les 50 000 jetons restants. L’un est à 20 000 les trois autres à
10 000, en gros.
John en profite pour me dire que les As sont bien tombés. Il me donne alors
l’occasion de lui rafraîchir la mémoire avec le crash du vol American Airlines sur
King Kong, quelques heures plus tôt. Mais au fait, existe-t-il des moments où nous ne
sommes pas heureux de les voir ces putain d’As ?
Retourner un coin de carte et voir leur pointe arrogante. Savourer le moment puis
écorner l’autre carte. Apercevoir la petite soeur. Se laisser envahir par un sentiment de
puissance et penser aux mille possibilités qui s’offrent pour jouer la Rolls Royce des
mains de Texas Hold’em. Vais-je être tendre avec elle ou la bousculer ? Dois-je
paraître subtil et mystérieux pour gagner ses faveurs ? Préfère-t-elle que je sois viril
et que je la brutalise un peu ? Faut-il que je sois tout ça à la fois ? Généreuse mais
capricieuse, souvent elle vous rendra heureux, et parfois, elle vous trahira.
L’heure de la deuxième pause a sonné.
Cette fois-ci, pas d’espionnage à l’horizon. J’ai besoin de me changer les idées, de me
recentrer et de calmer l’euphorie qui m’envahit. J’ai vu tant de rêves brisés en deux
mains mal jouées à cause d’un excès de confiance et de jetons (l’un allant souvent
avec l’autre).
Je m’approche alors de la cage aux lions située juste en face de la poker room. Je
regarde alors ce superbe prédateur, celui qui fascine et qui n’est pas affublé du titre de
« roi des animaux » pour rien. Il est là, allongé nonchalamment sur le flanc, le regard
vide. Vivre à Las Vegas lui a fait perdre toute sa superbe. La savane qu’il n’a
probablement jamais connu lui manque quand même, au plus profond de son corps et
de sa nature dégénérée par l’homme. Il ne chasse plus, il se rêve chasseur.
Les badauds se massent autour de lui pour s’extasier devant son honneur sali, lui que
l’on nourrit à la cuillère, lui que l’on caresse comme un vulgaire chat de gouttière et à
qui on lance la « baballe ».
Finalement qui est dans la cage ? Lui, ou bien nous tous qui le regardons ? Ici à
Vegas, sommes nous vraiment plus libre que ce captif félin ?
Ce système nous plonge nous aussi dans une prison dorée, une prison de verre, elle
nous nourrit à grands coups de buffets à volonté, nous qui chassions aussi jadis. Et
même aujourd’hui, n’avons-nous pas songé sérieusement à travailler dur, jour après
jour, pour nous nourrir et procréer ? Le poker promet du rêve pour une poignée de
dollars… et pour quelques dollars de plus, un bouquet d’illusions. Ici c’est bien le Far
West, il ne faut pas l’oublier.
L’annonce au micro de la reprise du tournoi m’extirpe de mes songes.
Lentement, le pas assuré, je retourne sur mon terrain de chasse. Tous mes zèbres sont
déjà là.
Niveau 11: blindes 1000/2000 antes 200.
Maintenant, on joue en short-handed. Je vais devoir ouvrir mon range.
Le poids de mon tapis sera ma meilleure arme. Agression est le maître mot.
J'ai la position sur deux des trois short stacks avec leur 5 BB. Je les mettrai donc à
tapis avec n'importe quel As, n'importe quelle paire et n'importe quel broadway.
Quelques tours passent et rien ne se passe.
De grosse blinde, j'ai le droit à un walk, mon adversaire de droite a 10 BB et craint
certainement de rentrer dans un coup contre moi sans une main légitime.
L'amour a ses raisons que la raison ignore. Au poker le profit a ses raisons et il ignore
l'amour.
John va sortir sa prétendante à la première occasion. C'est l'amour vache.
Voici la scène du crime passionnel:
La belle, de petite blinde envoie son tapis, John de grosse blinde regarde ses cartes et
annonce " Sorry, I have to call ".
Elle montre une paire de 5 et lui A-J. Heureusement qu'il a payé !
C'est encore un coin flip qui scellera le sort de nos deux amoureux.
John avait eu la gentillesse d'appeler un valet lorsque j'avais joué contre elle. Il était
donc naturel que j'appelle moi aussi un valet ou un As pour qu'il élimine lui même sa
protégée, me permettant par là même de monter d'un cran dans le pallier des gains !
C'est un As que John plante dans le coeur de sa blonde dès le flop.
Nous ne sommes plus que cinq.
Au bouton, les deux shorts sur ma gauche, j'ouvre 7-3 dépareillés. Insuffisant pour
voler ici, surtout qu'ils ont déjà payé les blindes. Il est fort probable dans cette
situation que la petite blinde envoie son tapis après mon fold quelque soit sa main.
C'est effectivement ce qui se produit. Pourquoi prendre des risques inutiles, parfois la
passivité paye plus que la bravoure.
K-9 en petite blinde contre A-5 en grosse blinde. Cette fois l'As tient. On perd encore
un joueur.
Reste alors:
John avec 50 000 jetons
Deux joueurs avec 20 000 jetons
Dr Préflop avec 60 000 jetons
Quand je serai au bouton, John sera de grosse blinde et inversement.
Nous sommes toujours au niveau 11 et les 2 joueurs ayant 10 BB ne devraient entrer
dans un coup qu'en faisant tapis.
Bizarrement il y a quand même du jeu post flop.
En effet John de petite blinde complète simplement. Le joueur de grosse blinde se
contente de checker. Pourquoi pas après tout.
À ce stade du tournoi je considère que ne pas relancer est une erreur, mais je me
méfie de lui. J'ai vu bien des fois ce genre de mooves sur internet, même dans les Sit
and go à faible Buy-in. Le joueur de petite blinde complète simplement avec un très
bonne main comme un avoeu de faiblesse afin d'induire un shove de la grosse blinde
qui n'a pas beaucoup de marges de manoeuvre et de profondeur de tapis pour jouer
post flop. Si le joueur de grosse blinde est un bon joueur il va se méfier.
En checkant il joue la prudence, il peut aller voir un flop gratuitement.
Flop: A-J-6 (A et J de trèfle).
John envoie le tapis. Il nous fait le coup du stop and go. Il sait que si la grosse blinde
avait un As il aurait probablement envoyé son tapis préflop et deux fois sur trois il ne
touchera rien au flop.
Si monsieur «where are you from ?» avait eu un monstre en main il aurait eu tout
intérêt à mettre tous ses jetons au milieu préflop, d'une part parce qu'il a de la fold
equity, d'autre part parce que son adversaire peut le voir sur un vol assez classique à
cet instant et le payer assez light. En complétant la petite blinde il met le doute.
Sur le tapis de John la grosse blinde se couche.
Le coup suivant, John est au bouton, il relance à 3 BB. Le même joueur part à tapis
pour les 9 blindes qu'il lui reste.
Je découvre alors K-9 à coeur, je me couche et John paye.
La petite blinde montre A-8, John une paire de 8. John doit à tout prix éviter un As, ce
qu'il fait avec brio.
Me voilà désormais dans le trio de tête !
John a environ 70 000 jetons soit 10 000 de plus que moi et le troisième joueur en a
20 000.
La passivité du troisième en stack a payé. Jusqu'à présent je n'avais même pas prêté
attention à lui. Il s'est fait tellement discret, il a joué si peu de mains que je suis même
surpris de le retrouver ici.
L'ambiance se faisant plus intime John prend à nouveau la parole pour lui demander
son nom. Ca deviendrait presque lourd.
Jason, vit à Los Angeles. Il est petit, brun, les cheveux bouclés et porte un sweat-shirt
bleu Abercrombie and Fitch passablement délavé. Il a le regard fuyant et murmure ses
réponses timidement. Alors qu'il n'avait rien dit jusqu'ici, il se confie contre toute
attente. Il est venu passer quelques jours avec des amis pour un enterrement de vie de
garçon.
Cool story bro!
Bien entendu, John n'a que faire des raisons de la présence de Jason ou la mienne à la
table. Il cherche des indices, des signes de nervosité, prospecte, tente de sonder notre
esprit par des questions anodines.
Il me redemande mon prénom, je lui réponds.
Il exagère, pour détendre l'atmosphère je lui lance
What's your name John?
Rires dans le public ! Même le croupier se marre.
John se contente de dire :
Good one!
Je voulais que John sache que je me souviens de son prénom depuis nos premiers
échanges de tir.
Je suis de petite blinde, Jason de grosse blinde. John se couche. Je regarde ma main,
j'ai K-10 de trèfle, j'envoie la boîte. Jason regarde ses cartes et se couche.
Le coup suivant, au bouton, j'ouvre A-Q à pique et relance à 2,5 BB, Jason envoie son
tapis, John se couche et je paye le tapis pour environ 16 000 jetons.
Jason montre A-10 de carreau.
On y est !
Deux carreaux tombent dès le flop.
Je vais devoir serrer les fesses jusqu'à la river. Si avant le flop je joue un 70/30. Après
le flop et ses carreaux, Jason a 12 outs. N'importe quel carreau et les trois 10 restants.
Ça doit lui faire quelque chose comme 12 x 4 soit 48% de chances de gagner à la
river, moins la probabilité de partager que je néglige. On est pas loin d'un coin flip.
Les secondes sont interminables. Le croupier semble prendre un malin plaisir à faire
durer les choses. Les deux poings serrés sous le menton j'attends la sentence.
Je ferme alors les yeux. Mon avenir dans le tournoi est dans les bras du destin, les
jetons sont au milieu, rien ne va plus !
Je suis sorti de ma catalepsie par le bruit d'une chaise sur ma gauche, mon adversaire
vient de se lever. Quand j'ouvre les yeux il me tend la main.
– Nice hand and good luck for the Heads-up.
– Thanks!
$$$
En tête-à-tête, le calcul est simple, comme on est de grosse blinde une fois sur deux,
si l'on veut gagner des jetons, il faut relancer plus de 50% de ses mains en position.
Fini de jouer les cartes, dans ce duel à mort, il faut jouer l'adversaire.
Impossible d'attendre que quelqu'un fasse le travail à notre place, il faut vaincre ou
périr.
John et moi serons à armes égales, j'ai 80 000 jetons, il en a 70 000.
Ce tête à tête débute au niveau 12 : blindes 1500/3000 antes 300.
Nous n'avons pas une grande profondeur de tapis, ça promet d'être violent et rapide.
On se retrouvera committed plus rapidement post flop, vu les niveau des blindes on
va vite se retrouver en mode push or fold.
La foule se fait plus dense, du moins dans mon imagination, en fait, un groupe de
touristes a décidé de venir voir ce qui se passait sur le ring.
Comme deux boxeurs qui tentent de s'intimider avant leur combat, John et moi nous
fusillons du regard à travers nos verres teintés.
Le brouhaha ambiant s'estompe. En un instant je me retrouve dans un bon vieux
western.
J'entendrais presque le bruit de mes éperons battant le plancher vermoulu du saloon
tandis que j'en sors pour me battre en duel contre le bandit du coin.
Les spots de la poker room sont à leur zénith, je sens poindre une goutte de sueur sur
le haut de mon front.
Une légère brise se fait sentir alors que je fais face à John, à moins qu'ils n'aient
décidé de monter encore un peu la clim tournant déjà à plein régime.
– Here we are John, it's only you and me.
Il manque seulement le joueur d'harmonica sur sa rocking chair pour que le tableau
soit complet.
Le croupier nous distribue nos armes.
Au bouton, John regarde rapidement ses cartes et décide d'envoyer son tapis, il a tiré
le premier !
Je sens la balle siffler près de mon visage.
J'en frémis alors que je découvre As-Q. Le destin aura décidé de nous épargner un
trop long combat.
John est là, il vient d'utiliser la seule balle en sa possession.
Je prends mon temps pour le viser, là, entre les deux yeux.
Lentement j'appuie sur la détente :
– I call.
Dans ce que je pense être un ultime râle John retourne As-10.
Un quart d'heure plus tard, alors que j'arpente les allées du casinos du MGM deux
coupes de champagne à la main, je pense encore aux dollars fraîchement gagnés,
comme pour m'assurer de la réalité des choses.
Je suis dans un brouillard épais. Après plus de quatre heures de concentration intense
et d'émotions diverses je ne sais plus où je suis. Mes jambes sont en coton.
Je n'ai qu'une hâte, retrouver celle que j'ai laissée endormie quelques heures plus tôt
dans notre suite.
Alors que j'entre dans la chambre, elle se redresse dans le lit et me lance :
– Quelle heure est-il ?
– Quelle importance ? On est à Vegas !
Je lui propose alors une coupe de champagne pour le petit dèj, et lance les dollars sur
le lit.
Elle me regarde, interloquée, comme si javais braqué une banque, comme si son
premier réflexe était de se demander pourquoi j'avais retiré autant d'argent.
– T'as gagné ?
Lance-t-elle en trinquant.
– Non, deuxième...
– Bah c'est super ! Bravo !
Sans trop y croire je lui réponds :
– Oui, je suis content.
Quel joueur de poker n'a pas ressassé des heures un mauvais coup qui lui a retiré la
plus haute marche du podium et le gain qui va avec...
– Bah, c'est bien deuxième non ?
– C'est moins bien que premier.
– C'est le poker, il faut un peu de chance.
– Il faut beaucoup de chance tu veux dire, le mec touche un 10 à la rivière, une des
trois cartes qui peuvent le faire gagner... so sick...après il me reste plus rien et il me
sort.
A cet instant, je me vois comme un joueur de poker blasé, racontant ses bad beats à
qui veut l'entendre. S'énervant contre son destin, celui de n'être que deuxième. Le
Poulidor du poker.
Natalie sourit, saisit quelques billets sur les draps et, ironiquement, réplique :
– Que va-t-on faire de tout cet argent ? Changer de vie, s'acheter une villa en
Californie au bord de l'eau ? Ou alors non ! Voyager, partir tout claquer autour du
monde !
Elle arrive à me décrocher un sourire. Elle est très douée.
Après tout elle a raison, ces quelques centaines de dollars ne changeront pas notre
vie.
Ils nous permettront seulement de dormir une nuit de plus dans cette superbe suite,
boire encore quelques coupes de champagne et danser un peu plus longtemps sur la
piste d'un club.
Finalement, ça n'est que ça Vegas.
Une oasis au milieu du désert, un mirage gigantesque qui nous permet de vivre un
rêve éveillé l'espace d'un instant et se dissipe au fur et à mesure que notre fortune
devient peau de chagrin.
La victoire, aussi délicieuse soit-elle, ne brille jamais longtemps dans le coeur d'un
joueur à Vegas. Sin City reprend vite ses droits et lui arrachera jusqu'à son dernier
cent.
La meilleure chose que l'on peut faire à Vegas après avoir gagné, c'est partir, s'enfuir
de ce piège, fuir ses tentations et ne plus jamais revenir.
Les Américains aiment dire :
– What happens in Vegas, stays in Vegas
J'ai brisé cet adage et pris du plaisir à tout vous dire, enfin presque tout
Le reste?
– It's between Me and Vegas!
On pourrait résumer tout cela comme un épisode de Bref :
Bref, j'ai joué au poker à Vegas
À Paris je joue des 1€ sur internet, ma copine me propose d'aller à Vegas, je dis oui,
on part, on passe boire du vin en Californie, on roule, on roule, il fait chaud, y a des
Mexicains, le café est dégueulasse. On arrive, la chambre est super, on boit. J'ai trop
bu alors je peux pas jouer, on rentre mais entre temps on reboit dans un club. Là j'ai
vraiment trop bu. Le lendemain je vais faire un tournoi boucherie à 80$ avec que des
fishs, dont moi. Je les regarde, ils me regardent, j'ai peur. Y a un mec qui demande
son nom à tout le monde. Je joue que mes premiums, je chatte, je joue que mes
premiums, je déchatte. Je joue une poubelle je chatte. Je rejoue une super premium
contre une autre premium, le mec chatte le flop, je surchatte la river. Je suis chip
leader. J'arrive en TF puis en Heads up contre le mec qui a pas de mémoire et
redemande le nom de tout le monde. Il push je call, je perds un 70/30 et sors
deuxième.
Bref, je finis même pas premier et j'ai tenu le lecteur pendant trente pages.
Pas de quoi écrire un roman.
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